Rapport de l'ASN 2019

4. Évaluation des stratégies de démantèlement des exploitants Dans un contexte où de nombreuses installations sont arrêtées depuis plusieurs décennies, avec une connaissance de l’installation et de son historique d’exploitation partiellement perdue, des struc‑ tures vieillissantes et parfois une quantité importante de déchets encore présente, l’avancement des projets de démantèlement fait partie des enjeux majeurs pour la sûreté des installations arrêtées. Or, l’ASN a constaté que la plupart des projets de démantèle‑ ment prenaient des retards importants. L’ASN demande donc au CEA, EDF et Orano de présenter périodiquement leur stratégie de démantèlement et de gestion des déchets radioactifs, ce qui permet de disposer d’une vision intégrée des projets de démantè‑ lement, et des exutoires disponibles ou à créer pour l’évacuation des déchets produits pendant les opérations de démantèlement. En ce qui concerne le démantèlement, les exploitants doivent notamment justifier, principalement par des analyses de sûreté, les opérations prioritaires. Cette hiérarchisation permet de contrôler que, même si certains projets connaissent des retards conséquents, les moyens les plus importants seront consacrés aux opérations à plus fort enjeu. En ce qui concerne la gestion des déchets radioactifs, l’ASN vérifie la cohérence avec le cadre réglementaire et les orientations du PNGMDR . L’ASN examine tout particulièrement les parades en cas d’aléas sur une installation de gestion des déchets et la crédi‑ bilité des échéances annoncées par les exploitants. Elle s’assure que les exploitants anticipent les études de sûreté des colis et de faisabilité des procédés de conditionnement. L’ASN contrôle également la disponibilité des filières de déchets envisagées ainsi que des moyens support (emballages de transport, installations de traitement et d’entreposage…) qui conditionnent en pratique la pérennité de la stratégie de démantèlement. L’ASN a pris position en 2019 sur les dossiers de stratégie de démantèlement et de gestion des déchets du CEA et a mis en consultation sa décision relative au dossier de justification du changement de stratégie de démantèlement des réacteurs UNGG d’EDF . Elle prendra position sur celui d’Orano en 2020. Le contexte et les premières conclusions des instructions menées sont détaillés ci‑après. 4.1  Évaluation de la stratégie de démantèlement d’EDF Le premier dossier relatif à la stratégie de démantèlement des réacteurs définitivement à l’arrêt d’EDF (Chinon A1, A2, A3, Saint‑Laurent A1 et A2, Bugey 1, EL4-D, Chooz A et Superphénix) a été transmis en 2001 à la demande de l’ASN. Le démantèle‑ ment immédiat avait été retenu comme stratégie de référence. Cette stratégie a été régulièrement mise à jour, afin notamment d’ajuster le calendrier de démantèlement, d’y intégrer les études complémentaires demandées par l’ASN et des éléments relatifs au démantèlement futur du parc des réacteurs en fonctionnement. Pour les six réacteurs de première génération de type UNGG (Chinon A1-A2 et A3, Saint‑Laurent A1 et A2 et Bugey 1), EDF a annoncé à l’ASN, en mars 2016, un changement complet de stratégie remettant en cause la technique utilisée pour réali‑ ser le démantèlement de ces réacteurs et le cadencement des démantèlements. Le passage à un démantèlement du caisson du réacteur «en air» au lieu de «sous eau» prévu initialement, la modification des durées de démantèlements envisagées et le chan‑ gement du premier réacteur UNGG à démanteler (Chinon A2 au lieu de Bugey 1), conduisent à retarder le démantèlement de l’ensemble des réacteurs UNGG de plusieurs décennies. Cette nouvelle stratégie prévoit la mise en œuvre d’un démonstrateur industriel visant à qualifier la faisabilité des opérations pendant le démantèlement du caisson des réacteurs «en air». Une fois la qualification acquise (d’ici une dizaine d’années), EDF propose de réaliser le démantèlement complet d’un premier caisson de réacteur (Chinon A2), de capitaliser le retour d’expérience sur ce premier démantèlement puis de débuter, entre 2060 et 2070, le démantèlement des caissons des cinq autres réacteurs. L’ASN a établi des projets de décision et les a soumis à consultation du public. L’ASN considère dans ce projet de décision qu’il est justifié qu’EDF développe un démonstrateur industriel avant le démantèlement des caissons des réacteurs et acceptable qu’EDF prenne en compte un retour d’expérience partiel sur une durée raisonnable. Pour autant, les délais de chacune des phases ont vocation à être réinterrogés périodiquement et ils pourront être revus s’il apparait dans les décennies à venir que des optimisa‑ tions de ce scénario sont possibles. Concernant les autres installations d’EDF arrêtées (notamment Chooz A, l’AMI Chinon, EL4-D, Superphénix) leur démantèle‑ ment est en cours et l’imposition d’un démantèlement dans un délai aussi court que possible est globalement respectée. 4.2  Évaluation de la stratégie de démantèlement d’Orano Le démantèlement d’installations anciennes constitue un enjeu majeur pour Orano, qui doit mener, à court, moyen et long termes, plusieurs projets de démantèlement de grande envergure (usine UP2‑400 de La Hague, usine Eurodif Production, installations individuelles de l’INBS de Pierrelatte…). La mise en œuvre du démantèlement est étroitement liée à la stratégie de gestion des déchets radioactifs, compte tenu de la quantité et du caractère non standard et difficilement caractérisable des déchets produits lors des opérations antérieures d’exploitation ainsi que celles actuelles lors du démantèlement. Par ailleurs, Orano doit réaliser, dans des installations anciennes d’entreposage, des opérations particulières de RCD. Des échéances de réalisation ont été prescrites par l’ASN, en parti‑ culier pour le site de La Hague. La réalisation de ces opérations de RCD conditionne, par ailleurs, la progression du démantèlement sur l’usine UP2‑400, la RCD figurant parmi les premières étapes du démantèlement de l’usine. Les chantiers de RCD revêtent une importance particulière, compte tenu de l’inventaire de substances radioactives présentes et du caractère ancien des installations les entreposant, qui ne répondent plus aux normes de sûreté actuelles. Les projets de RCD se caractérisent, de plus, par une complexité importante du fait des interactions avec les usines en fonctionnement et le site. Orano a transmis en juin 2016, à la demande de l’ASN et de l’ASND, sa stratégie de démantèlement et de gestion des déchets. Le dossier comprend également la déclinaison de cette stratégie sur les sites de La Hague et du Tricastin. Le site du Tricastin inclut une INBS, d’où une démarche de contrôle conjointe d’Orano par l’ASN et l’ASND. L’ASN estime qu’Orano doit renforcer sa capacité à prioriser les opérations en fonction des enjeux des installations à démanteler et à en maîtriser les délais. Par ail‑ leurs, les moyens humains et techniques d’Orano doivent être renforcés pour respecter les échéances des opérations projetées. L’ASN et l’ASND ont mobilisé une expertise importante pour l’instruction de cette stratégie et prendront position en 2020 sur ce dossier. Rapport de l’ASN sur l’état de la sûreté nucléaire et de la radioprotection en France en 2019  345 13 – LE DÉMANTÈLEMENT DES INSTALLATIONS NUCLÉAIRES DE BASE 13

RkJQdWJsaXNoZXIy NjQ0NzU=