Rapport de l'ASN 2019

• Les effets héréditaires La survenue d’éventuels effets héréditaires des rayonnements ionisants chez l’homme reste incertaine. De tels effets n’ont pas été observés chez les survivants des bombardements de Hiroshima et de Nagasaki. Cependant, des effets héréditaires ont été bien documentés dans des travaux expérimentaux chez l’animal : les mutations induites par les rayonnements ionisants dans les cel‑ lules germinales sont transmissibles à la descendance. La muta‑ tion récessive d’un gène sur un chromosome ne donnera aucun signe clinique ou biologique tant que le même gène porté par l’autre chromosome homologue ne sera pas atteint; si elle n’est pas nulle, la probabilité de ce type d’événement reste cependant faible. • La protection de l’environnement La radioprotection a pour but d’empêcher ou de réduire les effets nocifs des rayonnements ionisants sur les personnes, directement ou indirectement, y compris par l’effet des atteintes portées à l’environnement. Au‑delà de la protection de l’environnement orientée vers la protection de l’homme et des générations pré‑ sentes ou futures, la protection des espèces non humaines fait partie en tant que telle de la protection de l’environnement pres‑ crite en France par la Charte constitutionnelle de l’environne‑ ment . La protection de la nature au nom de l’intérêt propre des espèces animales et végétales a fait l’objet de plusieurs publica‑ tions depuis 2008  ( CIPR 108 , 114   et 124 ) . 1.3.3 La signature moléculaire dans les cancers radio‑induits Il n’est actuellement pas possible de faire la différence entre un cancer radio‑induit et un cancer qui ne le serait pas. En effet, les lésions provoquées par les rayonnements ionisants au niveau moléculaire ne semblent pas différentes de celles qui résultent du métabolisme cellulaire normal, avec l’implication dans les deux cas de radicaux libres, en particulier oxygénés. De plus, ni l’examen anatomopathologique ni la recherche de mutations spécifiques n’ont permis de différencier jusqu’à présent une tumeur radio‑induite d’une tumeur sporadique. On sait qu’aux premières étapes de la carcinogenèse (proces‑ sus de formation du cancer) une cellule apparaît présentant une combinaison particulière de lésions de l’ADN lui permettant d’échapper au contrôle habituel de la division cellulaire et qu’il faut une dizaine à une centaine de lésions de l’ADN (mutations, cassures…) en des points névralgiques pour franchir ces étapes. Tous les agents capables de léser l’ADN cellulaire (tabac, alcool, produits chimiques variés, rayonnements ionisants, température élevée, autres facteurs d’environnement notamment nutritionnels, radicaux libres du métabolisme cellulaire normal…) contribuent au vieillissement cellulaire et à la carcinogenèse. Dans une approche multirisque de la carcinogenèse, peut‑on alors continuer à parler de cancers radio‑induits ? Oui, compte tenu des nombreuses données épidémiologiques qui indiquent que la fréquence des cancers augmente lorsque la dose augmente, une fois tenu compte des autres principaux facteurs de risque. Cependant, l’événement radio‑induit peut aussi être le seul en cause dans certains cas (cancers radio‑induits chez les enfants). La mise en évidence d’une signature radiologique des cancers, c’est‑à‑dire la découverte de marqueurs permettant de signer l’éventuelle composante radio‑induite d’une tumeur, serait d’un apport considérable dans l’évaluation des risques liés aux expositions aux rayonnements ionisants, mais reste à ce jour non démontrée. Le caractère multifactoriel de la carcinogenèse plaide pour une approche de précaution vis‑à‑vis de tous les facteurs de risque, puisque chacun d’eux est susceptible de contribuer à une alté‑ ration de l’ADN. C’est particulièrement important chez les per‑ sonnes présentant une radiosensibilité individuelle élevée et pour les organes les plus sensibles comme le sein et la moelle osseuse, et ce d’autant plus que les personnes sont jeunes. Les principes de justification et d’optimisation trouvent là toute leur place (voir chapitre 2). 2. Les différentes sources de rayonnements ionisants 2.1  Les rayonnements d’origine naturelle En France, l’exposition à la radioactivité naturelle, sous ses dif‑ férents modes (cosmique ou tellurique), représente en moyenne environ 65% de l’exposition totale annuelle. 2.1.1 Les rayonnements d’origine terrestre (hors radon) Les radionucléides naturels d’origine terrestre sont présents à des teneurs diverses dans tous les milieux constitutifs de notre environnement et de l’organisme humain. Ils conduisent à une exposition externe de la population du fait des rayonnements gamma émis par les produits de filiation de l’uranium-238 et du thorium-232, et par le potassium-40 présents dans les sols, mais aussi à une exposition interne par inhalation de particules remises en suspension, par ingestion de denrées alimentaires ou d’eau de consommation. Les teneurs en radionucléides naturels dans les sols sont extrêmement variables. Les valeurs des débits de dose d’exposition externe, à l’air libre, s’échelonnent en France, selon les régions, entre quelques nanosieverts par heure (nSv/h) et 100 nSv/h. Les valeurs de débit de dose à l’intérieur des habitations sont généralement plus élevées du fait de la contribution des matériaux de construction (environ 20% en plus, en moyenne). À partir d’hypothèses sur les temps de présence des individus à l’intérieur et à l’extérieur des habitations (respectivement 90% et 10%), la dose efficace annuelle moyenne due à l’exposition externe aux rayonnements gamma d’origine tellurique est estimée en France à environ 0,5 mSv par personne et par an. Les doses dues à l’exposition interne d’origine naturelle varient selon les quantités incorporées de radionucléides des familles de l’uranium et du thorium de la chaîne alimentaire, lesquelles dépendent des habitudes alimentaires de chacun. Selon l’Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire ( IRSN , 2015), la dose moyenne par individu serait de l’ordre de 0,32 mSv par an. La concentration moyenne du potassium-40 dans l’organisme repré‑ sente environ 55 Bq/kg (becquerels par kilogramme) de masse corporelle ; il en résulte une dose efficace annuelle moyenne de l’ordre de 0,18 mSv. Les eaux destinées à la consommation humaine (EDCH), notam‑ ment celles d’origine souterraine, ainsi que les eaux minérales, se chargent en radionucléides naturels du fait de la nature des couches géologiques dans lesquelles elles séjournent. La concen‑ tration en descendants de l’uranium et du thorium, mais aussi en potassium-40, varie selon les ressources exploitées, compte tenu de la nature géologique du sous‑sol. Pour les eaux présen‑ tant une radioactivité élevée, la dose efficace annuelle résul‑ tant d’une consommation quotidienne (deux litres par habitant et par jour) peut atteindre quelques dizaines ou centaines de µSv (microsieverts). 102  Rapport de l’ASN sur l’état de la sûreté nucléaire et de la radioprotection en France en 2019 01 – LES ACTIVITÉS NUCLÉAIRES : RAYONNEMENTS IONISANTS ET RISQUES POUR LA SANTÉ ET L’ENVIRONNEMENT

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