Rapport de l'ASN 2018

1.3  ̶  Les incertitudes scientifiques et la vigilance Les actions menées dans les domaines de la sûreté nucléaire et de la radioprotection pour prévenir les accidents et limiter les nuisances ont permis de réduire les risques sans toutefois les supprimer, qu’il s’agisse par exemple des doses reçues par les travailleurs ou de celles associées aux rejets des INB. De nombreuses incertitudes subsistent ; elles conduisent l’ASN à rester attentive aux résultats des travaux scientifiques en cours, en radiobiologie et en radiopathologie par exemple, avec des retombées possibles en radioprotection, notamment en ce qui concerne la gestion des risques liés aux faibles doses. On peut citer, en particulier, plusieurs zones d’incertitudes concernant la radiosensibilité, les effets des faibles doses en fonction de l’âge, l’existence de signatures (mutations spéci‑ fiques de l’ADN) qui pourraient être observées dans des cancers radio‑induits et certaines maladies non cancéreuses observées dans les suites de radiothérapie. 1.3.1  –  La radiosensibilité Les effets des rayonnements ionisants sur la santé des per‑ sonnes varient d’un individu à l’autre. On sait par exemple, depuis que cela a été énoncé pour la première fois par Bergonié et Tribondeau en 1906, que la même dose n’a pas le même effet selon qu’elle est reçue par un enfant en période de croissance ou par un adulte. Par ailleurs, la variabilité de la radiosensibilité individuelle aux fortes doses de rayonnements ionisants a été bien documentée par les radiothérapeutes et les radiobiologistes. Des niveaux de radiosensibilité élevés ont été constatés dans le cas de sujets souffrant de maladies génétiques de la réparation de l’ADN et de la signalisation cellulaire, ils peuvent chez ces personnes conduire à des « brûlures radiologiques ». Aux faibles doses, il existe une radiosensibilité cellulaire et indi‑ viduelle qui pourrait concerner environ 5 à 10% de la popula‑ tion. Grâce à l’abaissement des seuils de détection, les méthodes récentes d’immunofluorescence de cibles moléculaires de la signalisation et de la réparation des lésions de l’ADN per‑ mettent de mieux documenter les effets des rayonnements ioni‑ sants aux faibles doses. Les effets biochimiques et moléculaires d’une simple radiographie deviennent visibles et mesurables. Les recherches effectuées avec ces nouvelles méthodes d’inves‑ tigation apportent des résultats qui doivent encore être validés en clinique avant d’être intégrés dans les pratiques médicales. La surveillance de la radiosensibilité individuelle dans le cadre d’une prise en charge médicale, par des tests validés, n’est pas encore pleinement opérationnelle malgré les progrès de la recherche en cours. La variabilité de la réponse individuelle aux rayonnements ionisants a fait l’objet en 2018 de plusieurs avancées : ∙ ∙ un nombre croissant de publications à ce sujet tant sur les aspects cliniques où elle se manifeste, notamment les com‑ plications de la radiothérapie du fait d’une radiosensibilité accrue ou l’apparition précoce de cancers du fait d’une radio‑ susceptibilité accrue, que sur les mécanismes cellulaires et tissulaires sous‑jacents ; ∙ ∙ la tenue d’un séminaire international dédié du groupe de recherche européen MELODI à Malte en mai 2018 dont les travaux sont en cours de publication ; ∙ ∙ la création en octobre 2018 par la CIPR d’un groupe de travail (TG111) dédié à ce sujet avec pour objectif de produire des recommandations de radioprotection sur la base des connais‑ sances acquises. La réponse individuelle aux rayonnements ionisants s’impose ainsi progressivement comme un sujet important de recherche et d’application en radiobiologie et en radioprotection. 1.3.2  –  Les effets des faibles doses • La relation linéaire sans seuil L’hypothèse de cette relation, retenue pour modéliser l’effet des faibles doses sur la santé (voir point 1.2), aussi commode soit‑elle sur un plan réglementaire, aussi prudente soit‑elle sur un plan sanitaire, n’a pas toute l’assise voulue sur un plan scientifique. Certains estiment que les effets des faibles doses pourraient être supérieurs, d’autres pensent que ces doses pour‑ raient n’avoir aucun effet en deçà d’un certain seuil ; certains affirment même que des faibles doses ont un effet bénéfique. La recherche en biologie moléculaire et cellulaire progresse, les études épidémiologiques menées sur des cohortes importantes aussi. Mais, face à la complexité des phénomènes de réparation et de mutation de l’ADN, face aux limites méthodologiques de l’épidémiologie, des incertitudes demeurent et la précaution s’impose pour les décideurs publics. • La dose, le débit de dose et la durée de l’exposition Les études épidémiologiques réalisées sur les personnes expo‑ sées aux bombardements de Hiroshima et de Nagasaki ont per‑ mis de mieux connaître les effets des rayonnements sur la santé, pour des expositions dues à une irradiation externe (exposition externe) en quelques fractions de seconde, à forte dose et fort débit de dose de rayonnements ionisants. Les études menées dans les pays les plus touchés par l’accident de Tchernobyl (la Biélorussie, l’Ukraine et la Russie) ont aussi fait avancer les connaissances sur l’effet des rayonnements sur la santé pour des expositions dues à la contamination interne (exposition interne), notamment à l’iode radioactif. Les études sur les travailleurs du nucléaire ont permis de mieux préciser le risque pour des expositions chroniques à faibles doses établies sur de nom‑ breuses années, que ce soit le résultat d’expositions externes ou de contaminations internes. • Les effets héréditaires La survenue d’éventuels effets héréditaires des rayonnements ionisants chez l’homme reste incertaine. De tels effets n’ont pas été observés chez les survivants des bombardements de Les chromosomes, par paires, possèdent des bandes de coloration caractéristiques (Inserm) Rapport de l’ASN sur l’état de la sûreté nucléaire et de la radioprotection en France en 2018  93 01 – LES ACTIVITÉS NUCLÉAIRES : RAYONNEMENTS IONISANTS ET RISQUES POUR LA SANTÉ ET L’ENVIRONNEMENT 01

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