Le projet de centre de stockage profond réversible des déchets radioactifs Cigéo

Au terme des 15 années de recherches sur la gestion des déchets de haute et moyenne activité à vie longue dont les conclusions ont été rendues en 2005 et examinées par l’ASN en 2006, la loi du 28 juin 2006 de programme relative à la gestion durable des matières et déchets radioactifs a fixé une feuille de route pour la gestion des déchets radioactifs.

Visite de suivi du programme de recherches dans le laboratoire souterrain de Bure © ANDRA

Elle précise notamment que « les déchets radioactifs ultimes ne pouvant pour des raisons de sûreté nucléaire ou de radioprotection être stockés en surface ou en faible profondeur font l'objet d'un stockage en couche géologique profonde ». Cette loi donne à l'ANDRA la mission de concevoir un centre de stockage de déchets radioactifs en couche géologique profonde, centre qui relèvera du statut d'installation nucléaire de base et sera soumis à ce titre au contrôle de l'Autorité de sûreté nucléaire.

Cigéo est le projet de centre de stockage de déchets radioactifs en couche géologique profonde porté par l’ANDRA. Conformément aux termes de la loi du 28 juin 2006 aujourd’hui codifiée, Cigéo est conçu et dimensionné par l’ANDRA pour stocker les déchets radioactifs de haute activité et de moyenne activité à vie longue (HA-MAVL).

Cigéo, projet de centre de stockage en couche géologique profonde

Qu’est-ce que « Cigéo » ?

Schéma du projet de centre de stockage Cigéo ©ANDRA

Cigéo est le projet de centre de stockage de déchets radioactifs en couche géologique profonde porté par l’ANDRA. Conformément aux termes de la loi du 28 juin 2006 aujourd’hui codifiée, Cigéo est conçu et dimensionné par l’ANDRA pour stocker les déchets radioactifs de haute activité et de moyenne activité à vie longue (HA-MAVL).

Ces déchets sont notamment produits lors de l’exploitation ou pendant les opérations de démantèlement des réacteurs du parc électronucléaire français. Les déchets radioactifs HA-MAVL du futur réacteur EPR, en cours de construction à Flamanville, ainsi que les déchets provenant des autres installations nucléaires liées aux activités de la Défense nationale, de la recherche (laboratoires du CEA, ITER, etc.), ou encore de fabrication et de traitement de combustibles (usines Orano de La Hague, etc.) sont également destinés à être stockés dans le projet de stockage réversible en couche géologique profonde Cigéo, si la construction de celui-ci est autorisée.

Le stockage de déchets radioactifs en couche géologique profonde consiste à mettre en place, sans intention de les reprendre, des colis de déchets radioactifs dans une installation souterraine implantée dans une couche géologique dont les caractéristiques permettent de confiner les substances radioactives contenues dans ces déchets. Une telle installation de stockage - contrairement aux installations d'entreposage - doit être conçue de telle sorte que la sûreté à long terme soit assurée de manière passive, c'est-à-dire sans dépendre d'actions humaines (comme par exemple des activités de surveillance ou de maintenance) qui nécessitent un contrôle institutionnel dont la pérennité ne peut être garantie au-delà d'une période de temps limitée.

Enfin, la profondeur des ouvrages de stockage doit être telle qu'ils ne puissent être affectés de façon significative par les phénomènes naturels externes attendus (érosion, changements climatiques, séismes...) ou par des activités humaines «banales».

Ce projet de stockage en couche géologique profonde, dont l’exploitation est prévue pour durer pendant au moins cent ans, devra être flexible au cours du temps afin de laisser aux générations futures la possibilité d’adapter le centre et ses équipements aux évolutions techniques qui concerneront demain la gestion des déchets radioactifs : cela fait partie de l‘exigence de réversibilité introduite par la loi du 28 juin 2006.

Réversibilité et récupérabilité 

L'article L.542-1-1 du code de l’environnement dispose que « le stockage en couche géologique profonde de déchets radioactifs est le stockage de ces substances dans une installation souterraine spécialement aménagée à cet effet, dans le respect du principe de réversibilité ».

L’ASN considère dans son avis du 31 mai 2016 que le principe de réversibilité doit comporter les deux composantes suivantes :

- une exigence d’adaptabilité de l’installation. En effet, il est nécessaire de garantir la possibilité, lors de la construction puis du fonctionnement du stockage, d’être en mesure de faire évoluer les dispositions retenues dans les phases précédentes (concernant notamment la conception et les modalités d’exploitation prévues au moment du dépôt du dossier de demande d’autorisation de création). Cela permettrait ainsi de prendre en compte :

  • le retour d’expérience, les avancées scientifiques et technologiques (par exemple dans la conception, la construction ou les méthodes de remplissage des alvéoles de stockage),
  • d’éventuels changements dans le scénario d’exploitation tel qu’envisagé du fait d’évolutions en termes de politique énergétique ou de choix industriels (conduisant à un stockage direct de combustibles usés) ou de considérations sociétales (par exemple si les opérations de fermeture sont différées plus ou moins longtemps) ;

- une exigence de récupérabilité. Cela correspond à pouvoir garantir, pendant une période donnée, la possibilité de récupérer des déchets déjà stockés. Il devra être démontré que ces opérations peuvent être menées dans des conditions de sûreté et de radioprotection acceptables.

L’ASN souligne que les dispositions prises pour assurer la réversibilité du stockage ne doivent pas compromettre la sûreté en exploitation ou après fermeture de l’installation de stockage. Elle considère que la réversibilité ne peut avoir qu’une durée limitée, et qu’elle nécessite des moyens de surveillance de l’installation adaptés. Enfin, l’ASN rappelle que, dans son avis du 1er février 2006, elle considérait que « la décision de fermer l’installation de stockage, et donc de mettre fin à la réversibilité, devrait revenir au Parlement ».

Par ailleurs, l’article L. 542-10-1 précise que les conditions de cette réversibilité seront fixées par une loi avant que l’autorisation de création de l’installation de stockage ne puisse être délivrée.

Cette loi a été adoptée le 25 juillet 2016. Elle modifie l’article L. 542-10-1 du code de l’environnement en :

  • définissant de la notion de réversibilité ;
  • instaurant une phase industrielle pilote avant la mise en service complète de Cigéo ;
  • adaptant le calendrier
  • précisant diverses dispositions techniques (relatives aux terrains et à l’urbanisme).

La loi définit la réversibilité comme « la capacité, pour les générations successives, soit de poursuivre la construction puis l'exploitation des tranches successives d'un stockage, soit de réévaluer les choix définis antérieurement et de faire évoluer les solutions de gestion. »

Elle précise aussi que « la réversibilité est mise en œuvre par la progressivité de la construction, l'adaptabilité de la conception et la flexibilité d'exploitation d'un stockage en couche géologique profonde de déchets radioactifs permettant d'intégrer le progrès technologique et de s'adapter aux évolutions possibles de l'inventaire des déchets consécutives notamment à une évolution de la politique énergétique. Elle inclut la possibilité de récupérer des colis de déchets déjà stockés selon des modalités et pendant une durée cohérente avec la stratégie d'exploitation et de fermeture du stockage.

En savoir plus

 Projet Cigéo : le parcours d’un colis- Le cheminement d'un colis de déchets nucléaires de son conditionnement à son stockage à l'intérieur du site de stockage en couche géologique profonde Cigéo, actuellement en projet. © Andra 

 

[1] Article L 542-12 du code de l’environnement : « L'Agence nationale pour la gestion des déchets radioactifs, établissement public industriel et commercial, est chargée des opérations de gestion à long terme des déchets radioactifs, et notamment : […] De réaliser ou faire réaliser, conformément au plan national prévu à l'article L. 542-1-2, des recherches et études sur l'entreposage et le stockage en couche géologique profonde et d'assurer leur coordination ; […] De concevoir, d'implanter, de réaliser et d'assurer la gestion de centres d'entreposage ou des centres de stockage de déchets radioactifs compte tenu des perspectives à long terme de production et de gestion de ces déchets ainsi que d'effectuer à ces fins toutes les études nécessaires »

[2] L’Agence pour l’énergie nucléaire (AEN) a publié en 2012 un guide intitulé « Réversibilité des décisions et récupérabilité des déchets radioactifs ». Les définitions suivantes sont proposées par l’AEN pour les termes « réversibilité » et « récupérabilité » :

  • « La réversibilité désigne la capacité à revenir sur des décisions prises lors de la mise en oeuvre progressive d’un système de stockage, indépendamment de l’exercice effectif de cette capacité. Le retour en arrière est l’action concrète d’inverser ou modifier une décision, soit en changeant de direction, soit éventuellement en restaurant une situation antérieure. La réversibilité implique de prendre des dispositions afin de permettre le retour en arrière, le cas échéant ».
  • « La récupérabilité désigne la capacité à récupérer des déchets seuls ou sous forme de colis après leur mise en place dans un stockage, indépendamment de l’exercice effectif de cette capacité. La récupération est l’action concrète de reprise des déchets. La récupérabilité implique de prendre des dispositions afin de permettre la récupération des déchets, le cas échéant ».

Quels déchets nucléaires pour Cigéo ?

Coques issues des assemblages du combustible, atelier ACC - Areva NC La Hague

Le code de l’environnement[1] désigne sous les termes de « déchets radioactifs » les substances radioactives pour lesquelles aucune utilisation ultérieure n’est prévue ou envisagée. Chaque type de déchets nécessite un traitement et une solution de gestion à long terme adaptés afin de maîtriser les risques qu’ils présentent, notamment le risque de dissémination de substances radioactives dans l'environnement.

Les déchets radioactifs proviennent pour l'essentiel de l'industrie nucléaire [2]. En fonction de leur activité et de la durée pendant laquelle ils demeurent nocifs (qui peut aller de quelques heures à des échelles de plusieurs milliers voire millions d’années), ces déchets doivent donc être gérés dans des filières spécifiques et dans des conditions répondant à des exigences de sûreté et de radioprotection adaptées.

Environ 90% du volume des déchets radioactifs produits en France disposent d’ores et déjà de filières de gestion à long terme. Toutefois les déchets de haute activité et de moyenne activité à vie longue (HA-MAVL), qui représentent environ 3% du volume des déchets radioactifs existants mais concentrent plus de 99% de la radioactivité, ne disposent pas encore de filière de gestion définitive adaptée à leur nocivité. L’ASN considère que de telles filières doivent être mises en place et que, du point de vue de la sûreté, le stockage en couche géologique profonde est la filière adaptée à ces déchets.

Le démantèlement

En 2018, une trentaine d'installations nucléaires, de tout type (réacteurs de production d’électricité ou de recherche, laboratoires, usine de retraitement du combustible, installations de traitement des déchets, etc.) étaient arrêtées ou en cours de démantèlement en France. Les substances radioactives doivent être évacuées et l'installation démantelée puis assainie : ces opérations présentent des enjeux particuliers en termes de gestion des déchets radioactifs, qui sont produits en quantités plus importantes que lors de la phase d'exploitation.

Les pouvoirs publics, en particulier l’ASN, sont attentifs à ce que la gestion des déchets radioactifs s’effectue dans des conditions sûres à chacune des étapes (depuis leur production dans les installations nucléaires jusqu’à leur élimination) et à ce que l’ensemble des déchets dispose d’une filière de gestion, afin notamment que la gestion des déchets ne soit pas à la charge des générations futures.

La loi confie à l’ANDRA la mission de mettre en place ces filières, notamment pour les déchets HA-MAVL. C’est pour répondre à cet objectif que l’ANDRA conçoit Cigéo.

L’inventaire des déchets

Les types de déchets susceptibles d’être stockés dans le centre de stockage en couche géologique profonde seront précisés dans un « inventaire » qui fera l’objet d’une demande d’autorisation instruite par l’ASN. L’ASN ne rendra un avis favorable sur le stockage de ces déchets que si elle dispose de tous les éléments nécessaires pour la démonstration de sûreté de ce stockage. Si la création d’une installation de stockage géologique profond est autorisée, le décret d’autorisation devra comprendre un inventaire de référence définissant en nature et en volume maximal les déchets pouvant y être stockés.

En outre, l’ASN considère qu’en application du principe de réversibilité de l’installation, l’inventaire des déchets retenu pour la démonstration de l’adaptabilité de l’installation de stockage doit prendre en compte d’éventuels changements dans le scénario d’exploitation tel qu’envisagé du fait d’évolutions en termes de politique énergétique ou de choix industriels (conduisant par exemple à un stockage direct de combustibles usés).

L’ASN considère que cet inventaire d'adaptabilité doit être présenté aux parties prenantes de façon exhaustive et transparente, dans des hypothèses majorantes. Les évolutions potentielles de l’inventaire doivent être présentées en expliquant les options qui s’ouvriraient en fonction des choix qui seront faits notamment en matière de politique énergétique, en particulier sur la question du stockage de combustibles usés.

 

[1] Article L. 542-1-1 du code de l’environnement.

[2] Pour le reste, les déchets sont issus de l'utilisation d'éléments radioactifs dans les hôpitaux, les universités, certaines industries non nucléaires, et des activités liées à la défense.

Le rôle et les missions de l’ASN en matière de gestion des déchets radioactifs

Créée par la loi du 13 juin 2006 relative à la transparence et à la sécurité en matière nucléaire, l'ASN est une autorité administrative indépendante chargée du contrôle des activités nucléaires civiles en France. L'ASN assure, au nom de l'État, le contrôle de la sûreté nucléaire et de la radioprotection en France, pour protéger les travailleurs, les patients, le public et l'environnement des risques liés aux activités nucléaires. Elle contribue à l'information du public.

L'ASN participe à l’élaboration de la réglementation relative à la gestion des déchets radioactifs. Elle instruit les demandes d’autorisation de création et autorise la mise en service des installations nucléaires de base à l'origine des déchets ou intervenant dans leur traitement, leur conditionnement et leur élimination ; elle assure le contrôle de leur sûreté. L'ASN co-préside le groupe de travail qui rédige le Plan national de gestion des matières et des déchets radioactifs.

Plan national de gestion des matières et déchets radioactifs

Le Plan National de Gestion des Matières et des Déchets Radioactifs (PNGMDR) constitue un outil opérationnel de planification globale de la gestion des matières et des déchets. Encadré par la loi du 28 juin 2006 relative à la gestion durable des matières et des déchets radioactifs, le PNGMDR vise principalement à dresser un bilan régulier de la politique de gestion de ces substances radioactives, à évaluer les besoins nouveaux et à déterminer les objectifs à atteindre à l'avenir, notamment en termes d'études et de recherches.

 

L’ASN réalise des inspections chez les différents producteurs de déchets (EDF, Orano, CEA, hôpitaux, centres de recherche…) et auprès de l’ANDRA ; l’ASN contrôle notamment l'organisation générale mise en place par l'ANDRA pour l'acceptation des déchets des producteurs sur ses centres de stockage. Elle évalue, tous les dix ans environ, la stratégie et les pratiques de gestion des déchets des producteurs de déchets radioactifs et prescrit, si besoin, des mesures particulières pour améliorer cette gestion. L’ASN s’assure de leur bonne mise en œuvre.

Les grands principes concernant la gestion des déchets radioactifs

  • La sûreté de la production des déchets radioactifs, de leur conditionnement et de leur entreposage sont de la responsabilité première des industriels producteurs de ces déchets. L'ASN contrôle ces différentes étapes ;
  • L'ANDRA est chargée des opérations de gestion à long terme des déchets radioactifs, et notamment de concevoir, d'implanter, de réaliser et d'assurer la gestion de centres d'entreposage ou des centres de stockage de déchets radioactifs. L'ANDRA, en tant qu'exploitant de ses installations, est responsable de leur sûreté. L'ASN contrôle leur sûreté ;
  • L’ASN demande le développement de filières de gestion pour chaque catégorie de déchets et s’assure que ces filières sont mises en place dans des conditions de sûreté et de radioprotection satisfaisantes. L’ASN examine les dispositions prises en compte dans les projets en matière de sûreté nucléaire et de radioprotection ;
  • L’ASN considère que tout doit être fait pour que la gestion des déchets ne soit pas à la charge des générations futures ;
  • L’ASN est attachée à la participation de la société civile à la gestion des déchets radioactifs, dans l’esprit de la convention d’Aarhus qui favorise la consultation du public et des parties prenantes et la transparence des informations ;
  • L’ASN participe activement aux études et échanges internationaux dans le domaine des déchets radioactifs (WENRA, Convention commune sur les déchets radioactifs et le combustible usé) ;
  • L’ASN considère que la loi du 28 juin 2006 est structurante car elle dresse une véritable feuille de route pour la gestion des déchets radioactifs.
Visite de suivi du programme de recherche dans le laboratoire souterrain de Bure

La création du centre de stockage réversible en couche géologique profonde ne sera autorisée que si ce projet présente les garanties de sûreté suffisantes tant pendant son exploitation qu'après sa fermeture. Pour cela, l’ASN vérifiera notamment s’il se conforme aux grandes orientations décrites dans le « Guide de sûreté relatif au stockage définitif des déchets radioactifs en formation géologique profonde » publié par l’ASN en 2008.

L’ASN instruira le cas échéant la demande d’autorisation de mise en service permettant son exploitation. L’ASN contrôlera alors le centre de stockage en couche géologique profonde pendant son exploitation comme après sa fermeture.

L’ASN continue de s’assurer, par des visites de suivi des expérimentations menées dans le laboratoire souterrain de Bure au titre des recherches prévues par la loi du 28 juin 2006, que celles-ci sont réalisées selon des processus garantissant la qualité des résultats obtenus.

 Le dispositif français de gestion des déchets radioactifs s’appuie principalement sur trois piliers

  • L’existence d’un cadre règlementaire spécifique. Ce cadre est notamment fondé sur la loi de programme du 28 juin 2006, qui définit en particulier des mécanismes pour l’évaluation du coût de gestion à long terme des déchets radioactifs, la sécurisation de son financement, et interdit le stockage en France de déchets étrangers ;
  • L’existence d’une agence nationale pour la gestion des déchets radioactifs indépendante des producteurs : l’ANDRA ;
  • La création du Plan national de gestion des matières et des déchets radioactifs (PNGMDR), véritable « feuille de route » pour une gestion exhaustive, transparente, intégrée et durable des déchets radioactifs. Un tel plan est actualisé tous les trois ans. Consulter les pages consacrées au PNGMDR

 

[1] Les décisions relatives au conditionnement des déchets et au stockage des colis, qui seront prises en application de l’arrêté INB du 7 février 2012, complèteront les éléments actuellement manquants à ce sujet dans le Guide de l’ASN.

Le stockage en couche géologique profonde : historique et travaux de recherche

Puits d'accès au laboratoire de Bure, ou laboratoire de recherche souterrain de Meuse/Haute-Marne (LSMHM) © ANDRA

Dans la décennie qui a suivi la mise en exploitation des premières centrales nucléaires d’EDF en France, plusieurs possibilités étaient envisagées pour la gestion des déchets radioactifs produits par l’industrie électronucléaire et par la recherche. Des études préliminaires ont eu lieu à partir de 1987 dans quatre sites de nature géologique différente : le granite (dans les Deux-Sèvres), le schiste (dans le Maine-et-Loire), le sel (dans l’Ain) et l’argile (dans l’Aisne).

Au terme des 15 années de recherches sur la gestion des déchets de haute et moyenne activité à vie longue dont les conclusions ont été rendues en 2005 et examinées par l’ASN en 2006, la loi du 28 juin 2006 de programme relative à la gestion durable des matières et déchets radioactifs a fixé une feuille de route pour la gestion des déchets radioactifs. Elle précise notamment que « les déchets radioactifs ultimes ne pouvant pour des raisons de sûreté nucléaire ou de radioprotection être stockés en surface ou en faible profondeur font l'objet d'un stockage en couche géologique profonde ».

Le principe du stockage en couche géologique profonde

Le stockage de déchets radioactifs en couche géologique profonde consiste à mettre en place, sans intention de les reprendre, des colis de déchets radioactifs dans une installation souterraine implantée dans une couche géologique dont les caractéristiques permettent de confiner les substances radioactives contenues dans ces déchets. Une telle installation de stockage — contrairement aux installations d'entreposage — doit être conçue de telle sorte que la sûreté à long terme soit assurée de manière passive, c'est-à-dire sans dépendre d'actions humaines (comme par exemple des activités de surveillance ou de maintenance) qui nécessitent un contrôle institutionnel dont la pérennité ne peut être garantie au-delà d'une période de temps limitée.

Enfin, la profondeur des ouvrages de stockage doit être telle qu'ils ne puissent être affectés de façon significative par les phénomènes naturels externes attendus (érosion, changements climatiques, séismes...) ou par des activités humaines « banales ».

Stockage / entreposage : quelle différence ?

Les concepts d’entreposage et de stockage sont définis à l’article L.542-1-1 du code de l’environnement :

  • « L'entreposage de matières ou de déchets radioactifs est l'opération consistant à placer ces substances à titre temporaire dans une installation spécialement aménagée en surface ou en faible profondeur à cet effet, avec intention de les retirer ultérieurement. »
  • « Le stockage de déchets radioactifs est l'opération consistant à placer ces substances dans une installation spécialement aménagée pour les conserver de façon potentiellement définitive dans le respect des principes énoncés à l'article L. 542-1, sans intention de les retirer ultérieurement.
    Le stockage en couche géologique profonde de déchets radioactifs est le stockage de ces déchets radioactifs dans une installation souterraine spécialement aménagée à cet effet, dans le respect du principe de réversibilité. »

Trois ans après le vote de la loi du 30 décembre 1991, l’ANDRA explore deux formations géologiques sur quatre sites : l'argile (dans le Gard, la Haute-Marne et la Meuse) et le granite (dans la Vienne). Les deux sites en projet dans la Meuse et la Haute-Marne sont réunis en un seul, situé à Bure (Meuse).

Les études menées dans le laboratoire du site géologique de Bure ont confirmé que la zone présente des caractéristiques favorables à un stockage en profondeur. Une couche d'argile de plus de 130 mètres d'épaisseur, à 500 mètres de profondeur, atteste de qualités réputées suffisantes (stabilité depuis 100 millions d'années au moins, circulation particulièrement lente de l'eau souterraine, capacité de rétention élevée des éléments).

Au terme de 15 ans de recherche, le stockage des déchets HA-MAVL en couche géologique profonde est apparu comme une solution de gestion définitive paraissant incontournable, comme le soulignait l'ASN dans son avis du 1er février 2006. Cela ne préjuge pas de la position que l'ASN prendra, au regard des exigences de sûreté, dans le cadre de l'instruction d'une demande d'autorisation de création.

Le Laboratoire souterrain de Bure

Zone d’intérêt pour la reconnaissance approfondie (ZIRA) © ANDRA

L’ASN a indiqué en 2006 que « des résultats majeurs relatifs à la faisabilité et à la sûreté d’un stockage ont été acquis sur le site de Bure […] L’ASN juge qu’il apparaît désormais raisonnable, si le Parlement décide du principe du stockage géologique des déchets de haute activité et à vie longue, de rechercher un périmètre propice pour leur stockage dans la zone de transposition définie par l’ANDRA au nord et à l’ouest du laboratoire de Bure. En effet, les résultats obtenus indiquent la forte probabilité de pouvoir démontrer la sûreté d’une installation de stockage sur la zone de transposition précitée ».

L’ASN s’est d’abord prononcée sur la zone de transposition (environ 250 km2) définie par l’ANDRA en 2005, puis sur la « zone d’intérêt pour la reconnaissance approfondie » (ZIRA) d’environ 30 km2, proposée par l’ANDRA en 2009, dans laquelle des travaux de reconnaissance plus poussés ont été menés. L’ASN estime dans son avis du 5 janvier 2010 que la localisation proposée par l’ANDRA pour cette zone (« ZIRA ») est satisfaisante.

Pour en savoir plus :

Panorama international

L’approche d’un stockage en couche géologique profonde, considérée par l’ASN dans son avis du 1er février 2006 comme une solution de gestion paraissant incontournable, a été confortée par la directive européenne 2011/70/Euratom du 19 juillet 2011 relative à la gestion sûre et responsable des déchets radioactifs et du combustible usé. La directive rappelle que « l’entreposage de déchets radioactifs, y compris à long terme, n’est qu’une solution provisoire qui ne saurait constituer une alternative au stockage » et que « il est communément admis que sur le plan technique, le stockage en couche géologique profonde constitue, actuellement, la solution la plus sûre et la plus durable en tant qu’étape finale de la gestion des déchets de haute activité et du combustible usé considéré comme déchet».

L’ASN participe activement aux études et échanges internationaux dans le domaine des déchets radioactifs et soutient l’harmonisation internationale des règles de sûreté applicables au stockage en couche géologique profonde.

En Europe, les principales recherches concernant le stockage géologique sont effectuées en Belgique (Mol, dans l'argile), Finlande (Olkiluoto, dans le granite), France (site de Meuse/Haute-Marne, dans l'argile), Suède (Äspö, dans le granite) et Suisse (sites du Mont-Terri et Grimsel, argile et granite).

En Belgique, la solution de référence proposée par l’organisme national des déchets radioactifs et des matières fissiles enrichies (ONDRAF) est la mise en dépôt géologique dans l’argile tandis qu’aux Pays-Bas l’argile et le sel sont à l’étude.

© Posiva Oy (Finlande)

En Finlande, Posiva Oy conçoit depuis 2004 un laboratoire de recherche dans un sol granitique à proximité du site d’Olkiluoto, où un réacteur EPR est en construction. La législation prévoit trois étapes pour le projet de stockage en couche géologique profond en cours de développement : une décision de principe (prise en 2000/2001), une autorisation de construction (délivrée par le gouvernement finlandais le 12 novembre 2015 au terme de 3 ans d’instruction) puis une autorisation de mise en service (prévue entre 2020 et 2022).

En Suède, une demande d’autorisation pour la construction de l’installation de stockage profond dans un sol granitique à Forsmark a été déposée auprès de l’agence de sûreté nucléaire en 2011 et est en cours d'instruction. L’installation pourrait être opérationnelle en 2025.

Le massif granitique de Nizhnekansky (Russie) pourrait accueillir un laboratoire souterrain et la construction d’un site de stockage pourrait être décidée vers 2025. Trois sites de stockage potentiels dans une roche granitique ont été retenus à ce jour en Chine, dont l’un est situé dans le désert de Gobi (Beishan, où un laboratoire pourrait voir le jour en 2020).

Aux Etats-Unis, le stockage géologique profond est affirmé comme une composante essentielle du système de gestion des déchets HAVL : actuellement, le Waste Isolation Pilot Plant (WIPP), dans le désert de Chihuahua au Nouveau-Mexique, est le seul stockage géologique profond en activité ; il concerne des déchets radioactifs de « moyenne activité à vie longue » (MAVL) d’origine militaire, stockés à une profondeur de 650 m, dans une couche de sel d’une épaisseur moyenne de 1000 m. Il a connu, en 2014, deux évènements (un incendie et une réaction chimique ayant conduit à un relâchement de radionucléides), qui ont conduit à une fermeture temporaire du site qui devrait reprendre ses activités fin 2016. L’analyse du retour d’expérience de ces évènements est toujours en cours et fait l’objet de travaux partagés au niveau international.

Calendrier et instruction

Dans le cadre de la loi du 30 décembre 1991, relative aux recherches sur la gestion des déchets radioactifs, de la loi de programme relative à la gestion durable des matières et déchets radioactifs du 28 juin 2006 et du Plan national de gestion des matières et des déchets radioactifs (PNGMDR), l’ANDRA a mené des études et remis des rapports et dossiers sur le stockage en couche géologique profonde qui ont fait l’objet d’avis formels de l’ASN. Dans ces avis, l’ASN a pu se prononcer sur des propositions partielles de conception ou sur des options proposées par l’ANDRA pour assurer la sûreté d’une telle installation et a pu préciser des éléments et avancées qui seraient nécessaires pour obtenir une éventuelle autorisation.
Un stockage réversible en couche géologique profonde est une installation nucléaire de base particulière, sa procédure d’autorisation de création doit suivre un certain nombre de mesures spécifiques introduites par l’article L. 542-10-1 du code de l’environnement en complément de la procédure habituelle décrite dans le décret dit « procédures » [2]. Ainsi, la création de l’installation doit être précédée :

  • d’études de la couche géologique prévue pour l’implantation du stockage au moyen d’un laboratoire souterrain ;
  • d’un débat public ;
  • d’une loi fixant les conditions de réversibilité de l’installation.

La loi du 25 juillet 2016 précisant les modalités de création d'une installation de stockage réversible en couche géologique profonde des déchets radioactifs de haute et moyenne activité à vie longue a défini la notion de réversibilité. Des revues de la mise en œuvre de la réversibilité sont prévues au moins tous les 5 ans. La loi du 25 juillet 2016 dispose également que l’exploitation de l’installation doit débuter par une phase industrielle pilote. Elle définit les objectifs de cette phase ainsi que ses modalités d’évaluation. À la suite du débat public, qui s’est tenu fin 2013 et dont les conclusions ont été rendues au début de l’année 2014, le conseil d’administration de l’ANDRA a indiqué par délibération que l’ANDRA remettrait à l’ASN un dossier d’options de sûreté pour préparer l’instruction de la demande d’autorisation de création de Cigéo. Cette démarche est encadrée par l’article 6 du décret du 2 novembre 2007.
L’ASN a accueilli favorablement cette décision de réaliser un dossier d’options de sûreté, qu’elle considère comme nécessaire pour la poursuite d’un processus de développement par étapes organisé et maîtrisé, et a fait part à l’ANDRA de ses attentes sur ce dossier en décembre 2014.

L’ASN a instruit ce dossier. Dans ce cadre, elle a demandé une expertise à son appui technique, l’IRSN. Elle a fait expertiser ce dossier par les groupes permanents d’experts placés auprès d’elle.  Elle l’a aussi soumis à une revue par des experts issus d’autorités de sûreté étrangères, coordonnée par l’AIEA. À l’issue de cette phase d’instruction technique, l’ASN a consulté le public sur son projet d’avis du 1er août au 15 septembre 2017. Après analyse des contributions reçues, l’ASN a rendu son avis le 11 janvier 2018.

Pour autant, le processus formel d’autorisation d’une installation de stockage en couche géologique profonde n’a pas débuté et ne débutera qu’avec le dépôt d’une demande d’autorisation de création et du dossier l’accompagnant[1]comprenant notamment l’étude d’impact, le rapport préliminaire de sûreté, l’étude de maîtrise des risques et une analyse de sûreté de l’installation après passage en phase de surveillance par l’ANDRA.

Pour obtenir l’autorisation de création de cette installation, l’ANDRA devra démontrer que les dispositions techniques ou d'organisation prises ou envisagées aux stades de sa conception, de sa construction et de son exploitation ainsi que les principes généraux proposés pour l’entretien et la surveillance après sa fermeture sont de nature à prévenir ou à limiter de manière suffisante, compte tenu des connaissances scientifiques et techniques du moment, les risques ou inconvénients qu’elle présente pour la sécurité, la santé et la salubrité publiques ou la protection de la nature et de l'environnement. Par ailleurs, l’ANDRA devra démontrer que l’installation satisfait aux impératifs de réversibilité qui seront fixés par une loi.

L'autorisation de création de l'installation, qui pourra être prise par décret au Conseil d'État après avis de l'ASN, ne sera accordé que si ces conditions sont vérifiées. Ce décret d’autorisation de création fixera notamment l’inventaire autorisé, en nature et en volume maximal et pourra subordonner à un accord des ministres chargés de la sûreté nucléaire ou de l’ASN la réalisation de certaines opérations particulières. En complément de ce décret, l’ASN pourra édicter des prescriptions relatives à la conception, à la construction ou à l'exploitation de l'installation.

Chronologie des positions de l'ASN sur le stockage de déchets radioactifs en couche géologique profonde depuis 1991

Ensuite, et préalablement à la première mise en œuvre de substances radioactives, l’ANDRA devra obtenir l’autorisation de mise en service de l’installation auprès de l’ASN. Elle sera limitée à la phase industrielle pilote, conformément à l’article L. 542-10-1 du code de l’environnement. Pour obtenir cette autorisation, l’ANDRA devra déposer un dossier [3] comprenant notamment le rapport de sûreté de l’installation et une mise à jour de l’étude d’impact. Une fois cette autorisation accordée, l’ANDRA pourra exploiter son installation pour la phase industrielle pilote. Les résultats de cette phase seront évalués par l’OPECST, après avis de l’ASN et de la CNE. Le Gouvernement devra ensuite présenter un projet de loi adaptant les conditions d’exercice de la réversibilité du stockage.

L’ASN pourra alors, le cas échéant, délivrer l’autorisation de mise en service de l’installation. Cette autorisation ne pourra être délivrée que si l’installation garantit la réversibilité du centre selon les conditions prévues par la loi.

Le contrôle effectué par l’ASN continuera pendant la phase industrielle pilote et après mise en service complète, le cas échéant par étapes, comme pour toute INB. Si besoin, l'ASN pourra également compléter les prescriptions qui s’appliquent à l’installation et veillera, notamment par des inspections régulières, à ce que l’installation soit en conformité avec les exigences applicables et notamment son décret d’autorisation de création et les prescriptions de l’ASN.

Par ailleurs, en cas d’une éventuelle demande de modification substantielle de l’installation, une nouvelle procédure d’autorisation complète devrait être réalisée comme le prévoit l'article L.593-14 du code de l'environnement.

Enfin, tous les dix ans, l’ANDRA devra procéder au réexamen périodique de son installation en prenant en compte les meilleures pratiques internationales. Ce réexamen, instruit par l’ASN, devra permettre d'apprécier la situation de l'installation au regard des règles qui lui sont applicables et d'actualiser l'appréciation des risques ou inconvénients que l'installation présente, en tenant compte notamment de l'état de l'installation, de l'expérience acquise au cours de l'exploitation, de l'évolution des connaissances et des règles applicables aux installations similaires.

 Consulter :



[1] Son contenu est décrit à l’article 8 du décret n°2007-1557 du 2 novembre 2007 relatif aux installations nucléaires de base et au contrôle, en matière de sûreté nucléaire, du transport de substances radioactives.

[2] Décret n°2007-1557 du 2 novembre 2007 relatif aux installations nucléaires de base et au contrôle, en matière de sûreté nucléaire, du transport de substances radioactives.

[3] Son contenu est décrit à l’article 20 du décret n°2007-1557 du 2 novembre 2007 relatif aux installations nucléaires de base et au contrôle, en matière de sûreté nucléaire, du transport de substances radioactives.

Coût du projet

L’article L. 542 12 du code de l’environnement précise les modalités de fixation du coût de référence du projet Cigéo.

Le financement de ce projet sera, en tout état de cause, effectué par les producteurs de déchets HA et MA-VL qui financent d’ores et déjà les activités de conception de l’Andra par une taxe dédiée dite taxe « de recherche ».

En savoir plus :

Publié le 15/01/2018

AVIS DE L'ASN

Avis n° 2018-AV-0300 de l’ASN du 11 janvier 2018

Avis n° 2018-AV-0300 de l’Autorité de sûreté nucléaire du 11 janvier 2018 relatif au dossier d’options de sûreté présenté par l’Andra pour le projet Cigéo de stockage de déchets radioactifs en couche géologique profonde