L’ASN Marseille a conduit des opérations de contrôle renforcé sur la prévention du risque de criticité sur le site du CEA de Cadarache. L’ASN ne relève pas de lacune majeure mais reste vigilante.

Publié le 26/07/2011 à 16:03

Communiqué de presse

CEA de Cadarache

Du 11 au 13 juillet 2011, l’ASN a mené 9 inspections sur le thème de la prévention du risque de criticité[1] au centre de Cadarache du Commissariat à l’énergie atomique et aux énergies alternatives (CEA) .Ces inspections ont porté sur l’organisation générale du centre, y compris sur les transports de matières radioactives et fissiles[2], et sur la déclinaison opérationnelle de la prévention du risque de criticité dans les installations nucléaires de base (INB) suivantes : les réacteurs expérimentaux PHEBUS[3] et MASURCA[4], le laboratoire LPC[5] (en cours de démantèlement), les installations d’entreposage MCMF[6], CEDRA[7] et PEGASE[8], le laboratoire LECA-STAR[9] et la station de traitement des effluents et des déchets du centre. Ce panel varié d’installations inclut à la fois des INB présentant de forts enjeux de criticité et des INB présentant des enjeux modérés voire faibles en la matière. Enfin, à la demande des inspecteurs et après analyse préalable des conditions de déroulement des inspections, un exercice inopiné d’évacuation a été effectué sur l’installation LPC. Pour rappel, l’ASN avait déjà inspecté l’atelier ATPu6 (en cours de démantèlement) et les réacteurs EOLE-MINERVE[10] au début de l’année 2011, sous l’angle de la prévention du risque de criticité.

Ces opérations de contrôle renforcé sur la criticité ont fait suite au constat de différents écarts notables en 2010 et 2011 dans plusieurs INB du centre. Elles permettent à l’ASN de se donner une vision globale de la gestion de la criticité sur l’ensemble du centre de Cadarache. Elles ont mobilisé pendant trois jours neuf inspecteurs de la division de Marseille de l’ASN et six experts de l’IRSN.

Après analyse, l’ASN considère que la maîtrise du risque de criticité par le centre du CEA de Cadarache ne présente pas de lacune majeure. Toutefois, les inspections ont révélé que la situation n’était pas homogène entre les INB contrôlées (cinq constats d’écart notable ont été établis par les inspecteurs au cours de cette opération). L’ASN veillera à ce que les efforts de l’exploitant s’inscrivent dans la durée, notamment dans le cadre du plan d’actions « criticité » initié par le CEA en 2011. Elle apportera également une attention particulière aux suites qui seront données par l’exploitant aux demandes d’actions correctives formulées par l’ASN à l’issue des inspections.

Ces opérations ont mis en évidence :

  • une organisation robuste du centre du CEA de Cadarache pour la prévention du risque de criticité, qui s’appuie sur trois niveaux complémentaires : un niveau d’action dans les INB exercé par les « ingénieurs qualifiés en criticité » (IQC), un niveau de soutien exercé par les deux « ingénieurs criticiens de centre » (ICC) et un niveau de contrôle exercé par le « spécialiste en criticité » (SC), rattaché à la cellule de sûreté du centre ;
  • le respect des principales dispositions humaines et organisationnelles prévues par les directives du centre, et notamment les ressources dédiées ;
  • une prise en compte globalement satisfaisante des incertitudes liées aux mesures de certaines masses de matières fissiles : sur ce point, même si certains écarts ont été relevés, les inspecteurs ont noté que les dysfonctionnements qui avaient été constatés sur l’installation ATPu en début d’année ne revêtent pas de caractère générique sur tout le centre ;
  • un entraînement efficace des équipes aux « évacuations criticité », constaté lors de l’exercice inopiné réalisé sur l’installation LPC.

Des axes de progrès ont néanmoins été identifiés par les inspecteurs et ont donné lieu aux demandes d’actions correctives suivantes :

  • la mise en place d'une démarche périodique de contrôle permettant d’évaluer le processus de gestion de la criticité, afin de s’assurer de la conformité durable des pratiques avec les règles de sûreté-criticité en vigueur ;
  • l’élaboration d’une procédure harmonisée entre les INB sur la gestion des projets de modifications des installations : les inspecteurs ont demandé d’inclure dans la procédure la consultation systématique de l'ingénieur qualifié en criticité sur les modifications envisagées afin de s’assurer que leurs conséquences potentielles sur la prévention du risque de criticité soient identifiées et prises en compte ;
  • un retour d'expérience et un partage d’information plus performants entre les différentes INB, y compris sur les bonnes pratiques qui ont ou auront été identifiées ;
  • la révision des procédures relatives au traitement des écarts, qui doivent prévoir l'information systématique des ingénieurs qualifiés en criticité et permettre une analyse de ces écarts sous l’angle « criticité »;
  • la mise à jour des directives du centre afin de formaliser et de cadrer les évolutions demandées par l’ASN au terme de ces opérations de contrôle renforcé.

Enfin, sur la base des contrôles effectués, l’ASN estime que l’exploitant doit rester attentif aux aspects suivants :

  • la surveillance des prestataires impliqués dans des activités liées à la criticité, y compris pour les prestations intellectuelles ;
  • la gestion des entrées-sorties des masses de matières fissiles dans les unités de criticité compte tenu de la diversité des outils mis en place ;
  • le maintien des compétences en criticité et des effectifs associés ;
  • l’existence d’une culture de sûreté-criticité au sein des équipes de l’exploitant des installations à faible enjeu de criticité et de ses sous-traitants ;
  • la clarté de l’organisation mise en place pour le traitement des dossiers liés aux transports de matières fissiles, en particulier la clarté du rôle des ingénieurs criticiens du centre ;
  • La bonne mise en œuvre et le suivi dans les mois à venir du plan d’actions « criticité » engagé par le CEA de Cadarache en 2011.

Toutes les demandes formulées par l’ASN, inspection par inspection, sont consignées dans les lettres de suite des inspections adressées à l’exploitant, accessibles sur le site www.asn.fr :


[1] Le risque de criticité est défini comme le risque de démarrage d’une réaction nucléaire en chaîne lorsqu’une masse de matière fissile trop importante est rassemblée dans un même lieu. Un milieu contenant un matériau nucléaire fissile devient critique lorsque le taux de production de neutrons (par les fissions de ce matériau) est exactement égal au taux de disparitions des neutrons (absorptions et fuites à l'extérieur).

[2] Des matières sont dites fissiles si elles peuvent subir des réactions de fission nucléaire par absorption de neutrons.

[3] Le réacteur PHÉBUS est l’un des outils du CEA pour l’étude des accidents graves pouvant affecter les réacteurs à eau sous pression.

[4] Le réacteur MASURCA (Maquette de surgénérateur à Cadarache) est destiné aux études neutroniques, principalement sur les cœurs de la filière des réacteurs à neutrons rapides, et au développement de techniques de mesures neutroniques.

[5] Le Laboratoire de purification chimique (LPC) assurait les analyses des produits de l’Atelier de technologie du plutonium (ATPu), le traitement de ses rebuts de fabrication et le contrôle des déchets. Compte tenu du risque de séisme inhérent à la région de Cadarache et des faiblesses des installations ATPu et LPC face à ce risque, l’Autorité de sûreté nucléaire a demandé sa fermeture. L’exploitation commerciale de l’ATPu et du LPC a par conséquent cessé en 2003 ; ces installations sont actuellement en phase active d’assainissement et de démantèlement.

[6] Le Magasin central des matières fissiles (MCMF) est un magasin d’entreposage d'uranium enrichi et de plutonium.

[7] CEDRA est une installation de conditionnement et d’entreposage de déchets radioactifs.

[8] PEGASE : installation d'entreposage de combustibles irradiés et de substances radioactives.

[9] Le LECA est un laboratoire d’examen, destructif et non destructif, de combustibles irradiés issus des différentes filières de réacteurs électronucléaires ou expérimentaux, et de structures ou appareillages irradiés de ces filières. STAR est sa Station de Traitement, d'Assainissement et de Reconditionnement.

[10] Le réacteur ÉOLE est un réacteur destiné aux études neutroniques de cœurs de réacteurs à eau légère. Il permet de reproduire, à échelle très réduite, un flux neutronique élevé grâce à des cœurs expérimentaux représentatifs de cœurs de réacteurs de puissance à eau pressurisée ou eau bouillante. Le réacteur MINERVE, situé dans le même hall que le réacteur ÉOLE, est consacré à la mesure des sections efficaces par oscillation d’échantillons permettant une mesure de la variation de réactivité.

Date de la dernière mise à jour : 18/09/2017