Livre blanc du Tritium & bilan des rejets de tritium pour les INB

253 Les effets biologiques et sanitaires du tritium : questions d’actualité Enfin, ces modèles postulent un apport quotidien en tritium composé en majorité d’eau tritiée (ICRP, 1989). Or diverses études font apparaître un rapport OBT/HTO différent voire inverse dans l’alimentation (Bogen et al., 1979,  Clementeet al., 1979). Au demeurant, cette question renvoie à celle de la bioaccumulation du tritium le long des chaînes trophiques. 3 3 Les effets sanitaires étudiés Concernant les effets cliniques, et par-delà le manque de données épidémiologiques déjà souligné, il convient de s’interroger sur la définition des effets aléatoires retenue par la Commission Internationale de Protection Radiologique (ICRP, 2007b) : cancers et effets génétiques apparaissant sur les deux premières générations. Dans le prolongement de travaux tels que ceux de Prestonet al. (2003) etWonget al. (1993), ou encore de Hamilton et al. (1987) et Ron et al. (1989), il conviendrait de l’élargir aux effets autres que les cancers et les effets héréditaires. Quant aux effets héréditaires radioinduits, la question se pose de la pertinence de leur limitation aux deux premières générations (UNSCEAR, 2001 ; Smeesters, 2006). Demême, la questiondes effets déterministes après exposition au tritium est chez l’homme peu documentée et porte essentiellement sur des travailleurs exposés à de très fortes doses (perturbations ou destruction cellulaires) (Milacic, 2004 ; Seelentag, 1973). Les études relatives aux effets sur le fœtus qui ont été réalisées dans l’environnement du réacteur de Pickering déjà cité font apparaître des corrélations significatives entre mortalité néonatale d’une part, anomalies du système nerveux d’autre part et rejets en tritium, ainsi qu’une augmentation significative du syndrome de Down (AECB, 1989 , 1991b). Ces études souffrent néanmoins de divers biais méthodologiques. Les effets du tritium sur l’animal sont mieux documentés. Plusieurs études ont ainsi mis en évidence l’affinité du tritium pour les gamètes et/ou ses effets à faible dose sur la fertilité (Pietrzak-Flis et al. 1982 ; Dobson et Kwan, 1977 ; Dobson, 1979 ; Töröket al., 1979), son affinité et sa toxicité pour le cerveau notamment à faible dose (Wang et al., 1999 ; Bhatia, 2005 ; Zamenhof et van Martens, 1979 ; Török et al., 1979 ; Hamby et Palmer, 2001 ; Richardson et Dunford, 2003), sa toxicité pour les systèmes vasculaire, cardiovasculaire, respiratoire ainsi que pour le squelette (Zamenhof et van Martens, 1979 ; Satow et al. 1987 ; Lee et al. 1988). Le caractère dose dépendant des effets est établi dans certaines de ces études. Plus généralement, les effets cellulaires non ciblés (effet de voisinage, instabilitégénomiquetransmissible)doiventêtreétudiés.Geraschchenko et Howell (2004, 2005) ont ainsi montré une prolifération de cellules situées à proximité de cellules marquées par le tritium. Persaud et al. (2007) signalent quant à eux des mutations au voisinage de cellules ayant reçu de faibles doses de particules bêta de faible énergie. La survenue d’altérations biologiques diverses (remaniements chromosomiques, mutations, réduction de la survie cellulaire, …) après plusieurs divisions successives de la cellule irradiée, ou instabilité génomique transmissible, a quant à elle été montrée chez l’animal après exposition à de faibles doses de rayonnement (Dubrova et al., 2000 ; Little, 2002). Bien qu’encore peu exploré, ce phénomène est proposé par certains auteurs pour expliquer les effets observés d’une exposition à de faibles doses de tritium. L’existence et les conditions d’apparition d’une éventuelle réponse adaptative mérite également d’être étudiée, à la suite notamment des travaux de Olivieri et al. (1992). Enfin, il convient de s’assurer du caractère limité de l’effet chimique de phénomènes tels que la transmutation du tritium en hélium dans la molécule organique (Krasin et al., 1976 ; Carsten 1979 ; Feinendegen et Bond, 1971) ou l’énergie de recul produite par la désintégration de celui-ci (NRCP, 1979). 3 4 L’évaluation de l’effet : l’efficacité biologique relative Si la cytotoxicité des rayonnements est plus importante à de faibles énergies qu’à des énergies plus importantes (Ujeno, 1983 ; Frankenberg et al., 2002 …), cela peut être encore plus vrai à faible dose et faible débit de dose (Dobson, 1979 ; Dobson et Kwan, 1977 ; Ujeno, 1983 ; Sainteny et al., 2008). Trabalka et Kocher (2007) font des constatations analogues concernant l’induction de cancers. Or cette variable n’est pas prise en compte dans l’évaluation de l’efficacité biologique relative (EBR) du tritium. De plus, les énergies des rayonnements gamma utilisés pour déterminer cette EBR sont plus faibles que celles des rayonnements gamma qui ont été délivrés aux populations japonaises lors des bombardements d’Hiroshima et Nagasaki (Young et Kerr, 1995). Ces observations conduisent à s’interroger sur une éventuelle sous-estimation de l’efficacité relative du tritium. 4 Conclusion S’agissant de contamination interne, la radioprotection individuelle repose notamment sur trois notions essentielles : la limite de dose efficace engagée, l’estimation du risque par unité de dose engagée et les coefficients de dose par unité d’incorporation (DPUI), ces derniers s’adossant sur diverses notions telles le facteur de pondération radiologique w R ou le coefficient de sensibilité relative des tissus et organes w T . En ce qui concerne le tritium, les DPUI sont parmi les moins élevées et présentent des amplitudes importantes (jusqu’à cinq ordres de grandeur). Néanmoins, l’étayage de ces DPUI pose problème à plusieurs niveaux. Tout d’abord, elles ne reposent pas sur des données épidémiologiques humaines. Ensuite, toutes les formes du tritium n’ont pas été étudiées (formes métalliques, certains composés organiques) ou l’ont été insuffisamment (formes liées aux molécules biologiques, voire eau tritiée), qu’il s’agisse d’expérimentation animale ou d’études cellulaires. Par-delà cette remarque, les modèles utilisés pour l’évaluation de la dose engagée sont sujets à débat, et ce à plusieurs titres : caractéristiques de l’exposition prises en compte, principe de l’irradiation externe et son corollaire le postulat d’une exposition uniforme de l’organisme, apport quotidien en différentes formes de tritium. Alors même que l’exposition au tritium se produit par contamination, en général à faible dose et faible débit de dose, que les rares études disponibles font état de concentrations différentielles du tritium dans les organes et tissus et qu’elles soulignent le caractère relatif des estimations de l’apport quotidien des différentes formes de tritium. Par ailleurs, le spectre des effets étudiés est limité. Enfin, l’évaluation de la toxicité du tritium au moyen de l’évaluation de son efficacité relative conduirait aujourd’hui à une sous-estimation de cette toxicité. Même si les études réalisées avec des faibles doses sont insuffisantes, les résultats disponibles vont dans le sens d’une toxicité du tritium plus importante que la toxicité retenue par les instances de radioprotection. Toutes les formes de tritium ne sont cependant pas également concernées. Si la forme gaz semble peu agressive, l’eau libre tritiée semble l’être davantage que la forme gaz, et les formes liées, présentes dans tous les organismes vivants (et donc également dans l’alimentation), encore davantage. Certaines données conduisent à supposer que l’effet d’une exposition chronique à de l’eau tritiée serait sous-estimée d’un facteur 4,

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